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L’ILLUSTRE MAURIN

mais de temps à autre un travailleur poussait du pied une carcasse de bête carbonisée… Devant un rideau de flammes inégalement dentelées et comme trouées d’obscurité par places, la portion de forêt encore debout se détachait en sombre et s’éclairait pourtant de menaces sinistres. Au contraire, les grands cadavres des plus vieux pins, dépassés par l’incendie et déjà éteints, se découpaient en silhouettes noires sur les ors et les pourpres du feu immense. Le long de leurs troncs calcinés, se réveillaient à tout moment et couraient de ces points brillants qui les rongeaient en zigzaguant et qui papillotaient comme là-haut les étoiles. Des pommes de pin brûlaient encore à la cime de quelques-uns d’entre eux et l’on eût cru voir alors des candélabres monstrueux, tendant au bout de leurs bras inégaux des lumières tristes, expirantes, destinées à éclairer la mort d’un monde, tandis que les flammes vivantes, celles qui naissaient à peine et qui marchaient les premières, semblaient se réjouir d’avoir tant d’espace à dévaster devant elles.

En les regardant venir, la forêt encore intacte frémissait d’épouvante. À l’heure où d’habitude, après les ardeurs d’un jour caniculaire, elle se berçait dans le repos des nuits, dans la fraîcheur venue de la mer voisine, voilà qu’elle voyait en marche contre elle une nuit enflammée, plus dévorante que le soleil. L’incendie partout craquait, grondait, ronflait ; l’air chaud, appelant l’air frais, transformait les vallées en cheminées formidables, d’une puissance de tirage incalculable, et dont le souffle montant eût soulevé des poids gigantesques. Le seul rayonnement de la chaleur, tout autour du principal foyer, lançait au loin la mort. Des