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L’ILLUSTRE MAURIN

— Mets tes manchons ! lui cria Pastouré en s’éloignant,

— Pas encore !

Maurin rusait de mille manières, se montrait parfois pour attirer ses persécuteurs dans un endroit d’où il jugeait pouvoir s’éloigner rapidement, grâce à sa connaissance des moindres accidents de terrain, des pentes, des rochers, des trous, des reliefs et même de la position d’un arbre et de la forme de ses branches. Il franchissait des roches élevées, gravissait de véritables murailles naturelles, en posant son pied dans des cavités qu’il connaissait et qu’un autre eût cherchées longtemps. Il courait dans un espace qu’il savait libre, par un sentier large comme un fil, perdu sous la bruyère et frayé par lui seul depuis des années ; là, il marchait courbé, invisible, sous la ramure, et sans agiter un buisson ; ici, il se remettait debout sans précaution, certain que l’effort pour se cacher eût été travail perdu. Mais chaque fois qu’il croyait avoir dépisté ses deux poursuivants, il en apercevait un sur quelque cime, qui épiait ses mouvements, lui coupait la route, au moins du regard…

Tout à coup il reconnut, à côté de Sandri, la haute stature de Grondard.

— Je suis perdu ! pensa-t-il. Ce diable-là connaît toutes les « drayes » aussi bien que moi… Je n’ai plus qu’une ressource !… Le gros bois deïs fados (des fées).

Le gros bois deïs fados était alors le maquis le plus impénétrable des Maures ; Maurin n’avait jamais jugé utile de s’y engager.

C’était un monstrueux enchevêtrement de ronces.