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L’ILLUSTRE MAURIN

compliments et les paroles d’amour, c’est trop doux… ça ne réussirait pas, ou si on les criait, ça se serait ridicule ! C’est pour cette raison qu’on traite son lapin de royaliste ou de républicain, d’empereur ou d’anarchiste, de forçat ou de juge ; c’est selon les opinions du chasseur, sa situation sociale et son bon plaisir. Et dans le cas où on n’a pas d’opinion du tout, on en prend une pour l’occasion et on insulte son lapin comme s’il était question de le nommer député. Pendant tout ce discours, vous comprenez, le chasseur s’est donné le temps de reculer peu à peu, et dès qu’il se comprend à la bonne distance, tout se termine par le coup de fusil… puis on rôtit la bête à moins qu’on ne l’aime mieux en civet.

On eut toutes les peines du monde à faire admettre à M. Labarterie que l’explication de Maurin correspondait à la vraie vérité.

Pastouré et Maurin retournèrent à la chasse seuls tous deux dans l’après-midi.

Le soir, les deux braconniers partageaient entre les invités vingt-quatre perdreaux, huit lapins et deux lièvres.

— Mais, fit observer Maurin, ce n’est pas des bêtes apprivoisées comme les faisans de Caboufigue !

Les magistrats durent accepter leur part de gibier.

Et en gonflant la carnassière du juge, Maurin, tout bas, lui dit :

— Monsieur le juge, est-ce qu’ils étaient bons, les melons ?

Le juge tressaillit comme un coupable.

— Allons, allons, vous fâchez pas… Je ne veux pas vous faire souffrir plus longtemps. Je les ai pris, foi de Mau-