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L’ILLUSTRE MAURIN

— Laissez donc, dit Maurin, négligemment, — laissez-le faire : je sais ce que c’est : il insulte un lapin !

Un coup de fusil ponctua et termina la longue invective de Pastouré, qui arriva presque aussitôt et jeta un lapin aux pieds de Mme Labarterie.

Tous se regardaient, de plus en plus étonnés.

— Expliquez-nous ce qui s’est passé, monsieur Pastouré ?

— Moi ?… sabi pas parlà (je ne sais pas parler). Explique-leur, toi, Maurin.

— Voilà, dit Maurin. Quand on trouve un lapin au gîte, blotti, tapi, rasé sous une touffe de thym ou de genêt, on est généralement trop près de lui pour le tirer, fût-ce à la tête, sans le trop abîmer. Alors il n’y a qu’une chose à faire : il faut l’insulter.

— Cet homme se moque de nous, ronchonna le procureur.

— Il faut l’insulter, reprit Maurin avec force… Oh ! rassurez-vous : ça n’est pas pour lui faire de la peine. C’est parce que, tant qu’il entendra du gros bruit, il se gardera bien de se montrer, croyant qu’on ne le voit pas. Et, en effet, plus on crie fort, plus il se rase et se tapit contre terre, et plus il reste sans bouger, à la même place. Le chasseur sait que lorsqu’il s’arrêtera de parler, son lapin fichera le camp… et selon l’endroit où l’on se trouve ; on peut deviner qu’il ira aussitôt se perdre dans la mussugue. C’est pourquoi il faut le tenir là, bien attentif, jusqu’à ce qu’on se soit reculé pour être à bonne portée de fusil. On se met donc à lui crier, le plus fort possible, les plus grosses injures qu’on trouve, — et je dis injures parce que les injures c’est, comme vous savez, ce qui se crie le plus naturellement. Les