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L’ILLUSTRE MAURIN

dessous de sa queue, juste dans le bassinet du fusil, pour mouiller la poudre… que ça, c’est une race qui a disparu, comme de juste. Qui veut encore du melon ?

— À propos de mouille-bassinet, dit M. Cabissol, vous ne devineriez jamais ce que j’ai vu, de mes yeux vu, dans l’église de Bourtoulaïgue ?…

— Et quoi donc ?

— Un tableau bien curieux : il représente le sacrifice d’Abraham. Isaac est lié à son poteau, et Abraham, armé d’un fusil à pierre !!! est prêt à tuer son fils… Mais le Père Éternel apparaît dans les nuées. Sa main fait un signe qui est un ordre, et un délicieux tout petit angelot, du haut du ciel, très gentiment, mouille, vous devinez comment, la poudre du bassinet. Peinture naïve, œuvre d’une époque de foi et de candeur. Je trouve ce tableau adorable… Qui veut reprendre du melon ?

Au milieu des plus grands éloges adressées aux melons, dont tout le monde avait oublié l’origine infâme, les tranches parfumées circulèrent encore.

Quand elles repassèrent sous son nez, M. Couder, le juge, n’y tint plus. Il en saisit une, en jetant vers Maurin, puis vers M. Cabissol, un vif et bref regard oblique. Ni M. Cabissol ni Maurin ne parurent s’être aperçus de son geste ni de son regard.

À ce moment, la conversation, animée par les bons vins, était devenue générale. C’était un papotage ininterrompu. Propos de dessert insaisissables, répliques qui ne s’attendent pas l’une l’autre, fusées d’esprit perdu.

Pastouré, pour un motif qui lui était très personnel et qu’on n’a pas coutume de révéler à table, éprouva le désir de s’éloigner un instant. Il n’était pas homme à se résister lorsqu’il avait quelque chose à se dire. Il