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L’ILLUSTRE MAURIN

Il lui montra, entre deux rochers, une sorte de cabane naturelle où elle pourrait se déshabiller.

— Je sais nager, dit-elle. Allez de votre côté, monsieur Maurin.

Il s’en alla en effet sur l’autre pente d’une étroite presqu’île. C’était un cap dentelé qui avait tout au plus cent pas de largeur.

— Ma foi, se dit-il, en songeant à Mme Labarterie, voilà une mal-mariée qui me paraît bonne à poursuivre.

On sait que la mal-mariée est une sorte de sarcelle qu’on peut voir parfois, quand la mer est calme et limpide, nager entre deux eaux à grands coups d’ailes aussi vivement qu’elle le fait dans l’air du ciel.

Maurin entra tout nu dans la vague.

— Quand on a de l’eau jusqu’au cou, se dit-il, on est comme habillé par la mer ; et d’un joli vêtement, puisqu’il est couleur de ciel !

Mme Labarterie se disait en d’autres termes la même chose, en se débarassant toute seule de son léger costume de chasseresse, dans la petite baie voisine, séparée, par la presqu’îlette, de la calanque où s’ébattait Maurin.

La charmante créature, douée d’une imagination hardie et capricieuse, avait pour toute théorie morale qu’il ne faut — la vie est si courte ! — laisser échapper aucune occasion de mordre dans un beau fruit, de goûter à un plaisir. Très sensuelle, elle se donnait aux brises et aux parfums, qui étaient pour elle la caresse infinie des choses…

Esthète déterminée, elle s’était demandé souvent, en regardant la Syrène de Burns Johns, ou en lisant celle de Wells, comment, dans leurs palais humides, ces demi-femmes se marient avec les tritons mythologiques.