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L’ILLUSTRE MAURIN

rattrapé dans l’Estérel, juste devant l’auberge des Adrets.

— Fameuse auberge ! fit le juge d’instruction, en regardant Maurin de travers.

— Fameuse auberge, de sûr ! fit Maurin, vu que, comme vous paraissez le savoir, elle était beaucoup fréquentée par Gaspard de Besse, un voleur qui est encore aujourd’hui aimé de tout mon peuple de Provence, pourquoi il n’a jamais volé les riches que pour faire du bien aux pauvres.

Et Maurin à son tour regarda de travers le juge.

Ce juge était jeune encore et tout imbu de vieux préjugés. Le nom de l’auberge des Adrets et cet éloge enthousiaste de notre cher Gaspard de Besse[1] le disposèrent fort mal pour Maurin et, d’instinct, élevant déjà des présomptions contre le braconnier, il lui trouva mauvaise mine, et s’éloigna de lui.

Maurin se rapprocha de M. Cabissol :

— Qu’est-ce que c’est donc, monsieur Cabissol, que ce monsieur à lorgnon d’or qui vient de me parler et qui ne me plaît guère ? Il m’a regardé d’un drôle d’air !

— C’est, dit Cabissol, Maurice Couder, le juge d’instruction de Draguignan.

— Diable ! répliqua Maurin naïvement, c’est un homme dangereux !

Et Maurin quitta Cabissol.

— Qu’est-ce que c’est que ce braconnier maigre avec qui je causais à l’instant, mon cher monsieur Cabissol ?

  1. Gaspard de Besse, condamné à la roue par le Parlement d’Aix, en 1786, marcha au supplice en habit de soie couleur gorge de pigeon et une rose à la main, dont il saluait les nobles dames qui pleuraient à leur balcon. Tout Aix, ce jour-là, versa des larmes.