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L’ILLUSTRE MAURIN

« Chaque musicien, monsieur, regardait le merle…

— Vous y étiez donc ? dit M. Cabissol.

— Chut ! dit M. Rinal, il croit y avoir été : ça suffit. C’est l’artiste qui compose !

Maurin n’entendait plus rien… que la Marseillaise, et il voyait le merle.

— Et le merle, poursuivit-il, regardait les musiciens, penchant sa tête, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, mais pour ça, il était gêné par sa petite cravate, quoiqu’elle fût petite, parce qu’il n’en avait pas l’habitude, comme de juste. Il paraissait très étonné et, au lieu de le faire fuir, le tintamarre des instruments vous le clouait là ; on eût dit qu’il devenait empaillé !

« Le peuple, sur la place, ne voyait toujours rien sortir par la fenêtre et chacun s’étonnait.

« — Qui sait ce qu’il y a ? Alors, il sort pas ? La musique pourtant lui devrait faire peur… Oï ! que c’est drôle ! c’est « un affaire » manqué ! »

« Que vous dirai-je, messiès ? Le merle écouta la Marseillaise jusqu’au bout, mais quand les fanfares eurent fini leur tapage… frutt ! tout en coup sans rien dire il s’envola de la cage et prit la fenêtre.

« Le peuple ne le vit pas ; il poussait des cris d’impatience à faire trembler les maisons !

« On chantait sur l’air des lampions : « Le merle ! le merle ! le merle ! »

« Le maire se remit alors au balcon et dit :

« — Citoyens, il est parti ; il a emporté sur ses ailes le souvenir de toutes nos discordes. Vive la République !… Et surtout, citoyens, faites bien attention, quand vous irez à la chasse, à partir du 15 août, de ne pas le tuer. Vous le reconnaîtrez à sa petite cravate ! Il est