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L’ILLUSTRE MAURIN

tion par l’idée… et en retour, le pauvre lui donnait ce qu’il avait : son cœur.

« Le pauvre diable dont je vous parle apportait, lui, son cœur dans un melon !

Maurin se mit à rire.

— Ce melon était-il bon, au moins ?

— Je n’en sais rien, dit M. Rinal, je lui ai dit :

« — Remportez votre melon, mon ami, vous le mangerez en route, et je vais faire mettre, dans votre panier, un petit déjeuner. »

— Monsieur Rinal, dit Maurin gravement, vous avez dû lui faire beaucoup de peine. Je connais mon peuple : il fallait accepter son melon. Soyez assuré qu’il l’avait choisi longtemps au marché de Draguignan, avec l’aide de sa femme, car elle espérait bien que vous décourageriez son homme de travailler dans les livres. Il fallait accepter le melon, monsieur Rinal, puisque, comme vous venez de le dire, tout son cœur était dedans.

M. Rinal réfléchit un moment :

— Il est clair que j’ai eu tort, dit-il enfin. Et je vous remercie de la leçon, Maurin.

Puis se tournant vers M. Cabissol :

— L’expression nuancée de la sympathie humaine sauvera seule les démocraties modernes d’une irrémédiable chute dans un bien-être froid, organisé tout mécaniquement, et plus dégoûtant, plus bête, plus immoral et plus ennuyeux que les erreurs passionnelles.

— Joli rêve ! ricana M. Cabissol, mais les démocraties rejettent la politesse comme un masque et elles commettront la faute de ne pas voir que le sentiment est une force positive…