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L’ILLUSTRE MAURIN

« — Vous êtes venu par le train ?

« — Avec un billet de retour.

« — Eh bien ! mon ami, retournez vite à la gare. Il y a un train pour Draguignan dans trois quarts d’heure. Prenez-le, rentrez chez vous, et dites à votre femme : « Le monsieur m’a dit de bien raboter et que j’étais fou de faire des livres. »

« — Tiens ! répliqua-t-il ingénument, avec son sourire triste, c’est en effet ce qu’elle m’a toujours dit, et ce matin encore, ma femme.

« — Croyez-la et aimez-la bien. Allez, mon garçon. »

« Il parut très embarrassé au moment de sortir… Il se retourna sur le seuil, revint à moi, ôta son panier de son bras avec une maladresse de timide, le posa sur la table, l’ouvrit et me dit :

« — Pardon, excuse, monsieur Rinal, mais je vous ai apporté un beau melon pour vous remercier de vos conseils. »

— Il ne faisait rien de trop, dit Maurin.

— Voilà l’âme exquise du peuple, dit M. Rinal. Ils ont le désir de donner et le sentiment que toute peine mérite salaire. Donne-moi de ce que tu as, je te donnerai de ce que j’ai.

— Quand j’étais petit, dit Maurin, j’ai encore vu des acteurs de bois, des marionnettes jouer la crèche, et quand l’enfant Jésus était dans l’étable, les plus pauvres lui apportaient ce qu’ils avaient de meilleur, qui des noix, qui des figues sèches…

— Qui un air de galoubet et de tambourin, poursuivit M. Rinal… C’est admirable ! c’est le génie de l’échange par sympathie ! Jésus apportait au monde une rénova-