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L’ILLUSTRE MAURIN

proprement l’une à l’autre les bottes évasées. Alors il se leva, il déboucla son ceinturon, et, ayant attaché les bottes au bout du fourreau que l’épée maintenait rigide, d’un geste noble il la mit sur son épaule.

À ce moment, si haut perché, en pleine lumière du ciel matinal, il sembla, par un effet de mirage sans doute, qu’il avait grossi et que son pourpoint trop étroit ne fermait pas sur sa poitrine.

Les deux gendarmes, tous deux dans le même moment, en firent intérieurement la remarque. Lui, là-haut, prêt à se remettre en marche, il se désignait à lui-même, d’un geste large, comme pour les narguer, l’horizon qu’il avait encore à parcourir… C’en était trop : Sandri, exaspéré, à tue-tête lui cria dans ses mains en porte-voie :

— Halte, au nom de la loi ! ou nous vous envoyons une prune dans le dos ! Entendez-vous, Maurin !

Alors le mousquetaire, lointain et hautain, se tournant vers les gendarmes, mit sa main en abat-jour au-dessus de ses yeux, — comme pour les mieux apercevoir là-bas, à ses pieds, tout au fond de la baïsse, — et ôtant son chapeau dont le plumet parut balayer tout l’espace bleu, il cria :

— Tiens ! c’est vous, messieurs ? je ne m’attendais guère à vous rencontrer ici !… pardon, excuse ! je ne vous avais pas encore vus, mais si vous cherchez Maurin de ces côtés-ci, vous vous trompez, mes braves !… moi, je suis Pastouré !… vous savez bien : Pastouré ! Et bien à votre service !

Sandri, brusquement congestionné, sentit ses jambes fléchir ; il dut s’asseoir sur une pierre.

Et la silhouette du mousquetaire disparut aussitôt.