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L’ILLUSTRE MAURIN

il disait : « La peau de mes jambes semble un pantalon ! » Ce que la conscience ne peut faire en de pareils êtres — puisqu’ils n’en ont point — la peur le fit en lui. Il eut des remords. La nuit, il était en proie à d’effrayants cauchemars. Ce grotesque devint tragique. Il s’attendait constamment à voir s’ouvrir sa porte devant les gendarmes ; il allait, pensait-il, être arrêté, lui aussi, après tant d’autres. La sonnette électrique de son portail monumental le faisait tressaillir quand la main du facteur la mettait en vibration. Il était dans une île, et il avait peur du continent. Il montait sur sa tour, armé d’une longue lunette marine, pour surveiller l’arrivée de la moindre embarcation dont il cherchait à reconnaître, du plus loin, les passagers. Une ombrelle sur les genoux d’une dame lui paraissait une écharpe de commissaire. Et le désespéré Caboufigue perdait chaque jour encore un peu de son poids. « Je me fonds, » disait-il. Il fondait en effet, comme l’étain sur une pelle rougie. En cet état, n’y tenant plus, il implora, par un intermédiaire, le secours de M. Cabissol. Il ne pouvait, il n’osait faire écrire à personne. Il voulut causer. Il demandait une entrevue. Verba volant. Il suppliait M. Cabissol de le faire rencontrer avec Maurin dont l’influence lui paraissait surnaturelle, depuis qu’il lui devait sa croix. M. Cabissol répondit :

— Trouvez-vous à Hyères, tel jour, à telle heure. J’ai fait prévenir Maurin ; nous le rejoindrons en voiture. Le prétexte est la chasse. Arrivez en chasseur ; ça vous distraira, car les journaux me font deviner le sujet de vos inquiétudes.

Si Caboufigue fut exact, on peut l’imaginer. D’Hyères, il partit avec M. Cabissol, en voiture, pour rejoin-