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L’ILLUSTRE MAURIN

roucher leur gibier, et, pour la même raison, ils ne pouvaient remuer. Quand leurs gourdes furent vides, ils n’osèrent aller jusqu’à la fontaine. Martyrs du devoir, ils la regardaient, mourant de l’envie d’y courir pour s’y abreuver, et n’y courant pas.

Ils n’osaient ni se moucher, ni éternuer, ni cracher, ni fumer, ni faire bruit quelconque. C’est à regret qu’ils mangeaient leur pain bien cuit, qui craquait trop sous leurs dents. Ils éprouvaient toutes les émotions des chasseurs à l’affût du lion…

Les étoiles une à une s’allumèrent au ciel. Ils les voyaient scintiller au-dessus de leur tête, là haut, à travers les branches des pins. Elles semblaient remuer… et eux ils ne remuaient pas… Un crenillement parfois les faisait tressaillir… C’était, par cette tiède nuit de l’été commençant, une pomme de pin qui tombait à terre après avoir traversé les branches en s’y heurtant ; ou bien c’était la course légère d’une fouine en maraude et frôlée aux buissons ; ou encore le craquement d’une graine de pigne sous la dent des écureuils…

Une fois, ils crurent voir s’agiter quelque chose au bord de la source… Était-ce lui ? lui, Maurin ? Non, c’était une martre qui, épouvantée tout à coup par le paquet mystérieux, se réfugiait d’un bond dans la broussaille…

Cette fois… c’est lui !… non, c’est un solitaire qui fouille non loin, cherchant pâture, et qui sous son pied écrase à terre des branches mortes.

Le bois craque sous lui comme si le feu prenait aux broussailles pétillantes. Sanglier de Tantale ! Volontiers les gendarmes se transformeraient en braconniers, mais le devoir tient en bride tous leurs désirs.