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L’ILLUSTRE MAURIN

— Et, dit Maurin pourquoi les avais-tu mis là dedans, sinon avec l’espérance qu’ils te rapporteraient dix fois plus que ce qu’honnêtement ils rapportent dans les caisses d’épargne ?

— C’est vrai, soupira l’homme.

— Et si tous les autres s’étaient ruinés, dit Maurin, et que tes dix mille francs t’en eussent rendu, à toi seul, cent mille ?

— Je me f… pas mal des autres ! dit l’homme.

— Alors, répliqua Maurin, rage et pleure, mon fiston, ta misère me fait rire. Tu n’es qu’un apprenti bourgeois. Pauvre France !

À l’école de M. Rinal le fils de Maurin n’apprenait pas seul, comme on voit. Le père retenait quelque chose des leçons du vieux philosophe ; et son esprit, déjà bien ouvert autrefois, avait à présent des fenêtres nouvelles qui donnaient sur l’horizon large et triste de la vérité sociale et de l’égoïsme humain.

« Pauvre France ! » était le mot qui revenait le plus souvent, à cette heure, sur les lèvres de Maurin. C’est une parole que prononce volontiers le paysan provençal. Il dit : « Pauvre moi ! » pour se plaindre ; « Pechère ! » pour plaindre les maux individuels de son semblable, mais il dit : « Pauvre France ! » pour plaindre les maux qui lui semblent atteindre la vitalité de tout le pays.

Le spéculateur Caboufigue fut compromis. Les journaux mêlèrent son nom aux pires diatribes. Corrupteur, mais aussi corrompu, — il l’avait été. Sa face large où florissait jadis le contentement cessa de sourire béatement. Les responsabilités entrevues lui ôtèrent le sommeil. En quelques jours, il maigrit étrangement ;