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L’ILLUSTRE MAURIN

l’aurais pas soufflée, c’est sûr, et ça m’aurait beaucoup ennuyé… Vive Bassompierre !

Les yeux fermés, il revoyait Sandri au milieu de la bataille épique des deux fanfares. Il se mit encore à rire :

— Vous verrez que si jamais, — ce qui se pourrait faire, — on vous raconte dans les journaux, où tout se raconte, mon histoire de clarinette, on y ajoutera beaucoup de choses, parce que lorsqu’il y en a long comme le petit doigt, les gazettes en mettent long comme le bras. On exagère toujours tout. Et ce qu’on dira, je le sais, je l’entends d’ici !… on dira que dans ce cheval, par-dessous la queue, j’ai enfoncé toute la clarinette, de l’embouchure jusqu’au pavillon, et qu’elle lui est restée au corps, et qu’avec cette manière de gouvernail au derrière, il est allé de Saint-Tropez jusqu’à Sainte-Maxime par mer !… Ah ! ah ! quelle farce ! et moi-même, s’il le faut, je soutiendrai que la chose est arrivée ainsi, pour le seulet plaisir de voir les gens se le croire, et puis pour galéger la gendarmerie… Et cependant qu’ai-je fait réellement ? à peine si du bout de la clarinette je lui ai piqué le trou du derrière, au cheval de Sandri, et en me tenant bien de côté, crainte des ruades.

« Mais je savais bien que cela suffirait à le faire envoler comme un âne de Gonfaron, car c’est une chose remarquable que pour faire voler les bêtes, c’est toujours par le derrière qu’on leur souffle la légèreté !… On en racontera beaucoup sur cette aventure de clarinette, si on se met à broder autour, comme on a brodé autour du grand saint Tropez. On pourra dire par exemple que lorsque Sandri est arrivé par mer à Sainte-Maxime, toute la population, depuis une heure, sur la plage, sur