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L’ILLUSTRE MAURIN

Elles présentent aux disques d’acier, scies tournoyantes, les petits blocs durs du bois de bruyère. L’impalpable sciure rose, voltigeante, se pose sans cesse sur les belles pipières ; et toutes, les cheveux protégés par une étoffe qu’elles s’arrangent en coiffure de sphinx d’Égypte, toutes sont uniformément roses de la tête aux pieds… On dirait des statuettes de terre cuite, d’un ton ardent.

Ce que Maurin ne disait pas, c’est qu’il avait aimé l’une d’elles… qu’un Américain, un beau jour, enleva à prix d’or, sans souci de l’art, pour la vêtir en « cocotte » de Paris.

— Maurin, dit Pastouré en soufflant une colossale bouffée de tabac, les femmes te perdront, je te l’ai toujours dit,

— Moi, fit Saulnier, je me fais des pipes de roseau ; pour le fourneau, je coupe, au-dessus du nœud, un morceau de roseau vieux, et pour le tuyau un tout petit, des jeunes.

— Moi, dit Pastouré, j’ai creusé la mienne au couteau dans un morceau rustique de racine, et le tuyau est en roseau également.

— À la santé des pipières ! s’exclama Maurin qu’un souvenir exalta tout à coup.

— Et Tonia ? fit Saulnier, malicieux.

— Tu iras lui annoncer demain que son mousquetaire est ici, dit Maurin, dans ses culottes et ses bottes de bravadeur !

Ils fumèrent en silence, un moment, sous les étoiles.

— Pour nous en revenir à ta manière de faire la chasse, dit Maurin, je vois bien maintenant à quoi te servent ta belette et ta renarde… mais tes perdreaux ?