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L’ILLUSTRE MAURIN

malheureuse à mourir. Sur le moment, elle resta comme morte et on eut toutes les peines du monde à la ramener à elle-même. Et depuis ce temps, on l’a vue, plus d’un coup, pleurer, pleurer — qu’elle en maigrit comme un loup d’hiver ! Ce qui est entre vous, c’est toi que ça regarde, mais de voir pleurer une jolie fille, ça fend les rochers… Elle est jolie, cette Tonia… C’est pourquoi en allant à Bormes, réfléchis, mon homme, à ce que tu as à faire. Et sur cela, bon voyage, car je savais bien que tu deviendrais pressé dès que je t’aurais dit mon histoire. Fais ta route et me laisse reprendre le bon travail, un peu trop dur et toujours le même, mais qui du moins réchauffe aussi bien qu’un coup d’aïguarden.

Maurin, fouillant dans son sac, en retira sa gourde qu’il tendit à Saulnier.

— Ça n’est pas de refus… À la bouano sarù !

Il leva le coude, fit claquer sa bouche, essuya ses lèvres de son bras et dit : « Gracias !  »

Maurin reprit sa gourde, serra la main de Saulnier, se leva et partit suivi d’Hercule, qui s’éloignait à regret de la renarde un peu dédaigneuse.

Saulnier s’assit, remit ses œillères et ressaisit sa masse dont il martelait les galets entre ses pieds étendus.

Un à un les perdreaux, pour regagner la poussière du milieu de la route, sortirent d’entre les pattes du renard…

Et la belette sortit de dessous sa queue, pendant qu’il allongeait paresseusement son museau pointu sur ses pattes croisées.