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L’ILLUSTRE MAURIN

souches, je pus les voir filer, filer ensemble du côté du Nord, — dans l’Alpe, je parie, d’où jamais plus ne revint ma chienne amoureuse d’un loup…

Le vieux Saulnier se tut pendant quelques minutes. Ses yeux étaient perdus dans le vague. Il songeait au bonheur qu’avaient dû ressentir les deux bêtes libres, si amoureuses. Et comme lui Maurin rêvait, car l’amour entraîne aux songeries tous les hommes également, quels qu’ils soient et à tout âge.

Enfin, Saulnier conclut :

— … Et je calcule, ami Maurin, que si avec ton chien ma renarde faisait des petits, ça ne ferait pas encore d’aussi bons petits pour la chasse comme en aurait fait, avec mon loup, ma chienne tant amoureuse !

Maurin ne s’impatientait plus, il n’en finissait pas de rêver à ces amours libres.

— Des petits de cette race, ainsi mêlée, dit-il, je donnerais beaucoup pour en avoir… Mais qui sait ? Le loup te l’aura mangée. Elle te serait, sans ça, revenue.

— Pour sûr, qu’elle serait revenue ! Elle aurait quitté, pour revenir à son maître, le meilleur os du meilleur gigot… mais non l’amour de son loup, ma chienne, — vu que pour l’amour, tu le sais mieux que personne, les filles quittent père et mère, — et même pour l’amour d’un loup… Et pour t’en arriver, par ce chemin détourné, à ce que j’ai de pressé à te dire et qui t’aregarde toi et Tonia, Maurin, apprends que tous les jours elle quitte, amoureuse du loup, la maison de son père Orsini ; et, depuis que tu t’es échappé, à la Verne, des mains de Sandri, tous les jours elle va demander si tu as reparu à la cantine du Don. Quand elle te crut mort, imagine-toi bien qu’elle en a été