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L’ILLUSTRE MAURIN

vivement sur Mouredu, le forçant, coup sur coup, à reculer chaque fois d’un pas ; puis, quand l’autre fut acculé à la palissade de clôture, il lui fit sauter d’un coup sec son épée dorée… et courut mettre le pied dessus…

Le taureau tout à coup s’élança entre les deux hommes. Quand il le vit tout proche, le mousquetaire abaissa vers les pieds de l’animal son glorieux tromblon, et rrrran !… un coup de tonnerre fit retentir le cirque et, aux alentours, la plaine et les échos du golfe et toutes les montagnes voisines… Le taureau, stupéfait, fit de nouveau une volte brusque et Maurin, alors, le traitant comme il avait fait le toréador, lui mit tranquillement sa botte sous la queue.

À ce spectacle, une folie sans nom, une joie surhumaine s’empara de la foule trépignante.

Les femmes lançaient à Maurin les éventails, les mouchoirs, et à Mouredu, par dérision, des oranges et des gros sous. Mouredu consterné, les genoux repliés, adossé aux planches de la palissade dans la posture d’un homme assis en l’air, humilié, piteux, cachant de son mieux son derrière, dont il savait à présent toute l’indiscrétion, regardait d’un œil morne cette manifestation, qu’il ne comprenait en somme qu’imparfaitement.

Le mousquetaire ramassa l’épée du toréador, et, avec un geste noble, il la lui rendit ; puis remettant sa propre épée au fourreau, il courut au milieu de l’arène prendre à terre la cape rouge de la espada, et allant d’un pas paisible vers le taureau toujours étonné, il l’en coiffa, entortillant ses cornes et lui recouvrant les yeux des plis de la pourpre flottante… Enfin, d’un air grave, il l’empoigna par la queue et le contraignit à