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L’ILLUSTRE MAURIN

Débarrassé de l’ennemi qui lui faisait face, Mouredu Tortillados, l’épée toujours tendue, se retourna enfin brusquement vers la force inconnue qui l’attaquait par derrière.

— Espagnol de carton, lui dit alors Maurin, les Tropéziens ont fait fuir, voilà trois siècles, vingt et une galères d’Espagnols… et moi, j’ai voulu en découdre un par derrière !…

Le pan de chemise que le coup de pied de Maurin avait livré aux brises se montrait maintenant à la moitié du public qui ne l’avait pas aperçu d’abord. On se le désignait du doigt ; et la gaîté d’un peuple entier montait vers le soleil en rumeurs éclatantes et sans fin, mourantes et renforcées comme le concert des cigales dans les forêts des Maures, au temps caniculaire !

Le toréador, qui pourtant ne se savait pas si atteint dans sa dignité, sentit néanmoins qu’on le trouvait ridicule.

À ce moment, la brise marine pénétrant jusqu’à sa chair par la brèche que la botte ennemie avait ouverte, Tortillados comprit la gravité de sa situation. L’invective et l’épée de Maurin achevèrent de l’éclairer sur le péril que couraient son honneur personnel et le succès de son entreprise…

Il vit rouge et s’élança, l’épée haute, sur son ennemi… Maurin rompit d’une semelle et dégaina sans lâcher son tromblon qu’il tenait de la main gauche… Les épées se croisèrent… Le taureau, à vingt pas de distance, les regardait reluire et cliqueter. La tumultueuse gaîté de la foule devint assourdissante. Les deux maîtres d’armes se mesurèrent de l’œil en se tâtant du fer.

Un cri unanime s’éleva, un cri d’admiration joyeuse