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L’ILLUSTRE MAURIN

dans les yeux et dans les naseaux, du sang sur les flancs, du sang partout, s’arrêta stupéfaite et résignée.

À ce moment on entendit une détonation. De loin, un vaillant imbécile lui avait tiré un coup de revolver. La fine balle inutile érafla l’échine de l’animal. Il eut un frisson comme au toucher d’un taon importun ; on vit luire un nouveau filet de sang qui coula sur sa robe noire. Ce fut tout.

Un second coup retentit, un coup de fusil cette fois ; toute une charge de plombs, préparée pour les canards du golfe, cribla le mufle frémissant qui, troué en écumoire, se mit à pleurer du sang. Le taureau frissonna encore, mais resta immobile, muet ; victime lamentable de la brutalité humaine.

Maurin et Pastouré regardaient cela, d’un air stupide, comme s’ils eussent partagé l’étonnement dédaigneux de la pauvre bête.

— Pas moins, dit Maurin, c’est des sauvages ! mais qu’y pouvons-nous ? Il y a dans la loge d’honneur des maires et des sous-préfets chargés de faire respecter la loi ! je ne peux pourtant pas faire toute leur besogne à moi tout seul !… Et puis, à qui, en ce moment, pourrions-nous bien nous en prendre !…

Les bourreaux du pauvre Empereur n’avaient ni balles ni chevrotines, et voilà que, tour à tour, huit ou dix fusils chargés de menus plombs prirent pour cible, tous à la fois, le taureau martyr. Maintenant un de ses yeux crevés pendait hors de l’orbite. Sa langue sortait de sa bouche baveuse… un coup de feu la perça de trente trous… Il la rentra, mais elle ressortit de sa bouche avec des ruisselets de sang.

De nouveau le taureau, fatigué des hommes, tomba