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L’ILLUSTRE MAURIN

comme les belles filles n’en ont semblablement pas peur, hé ? tu me comprends, hé ? Elle le voulait, le loup, quoiqu’elle ne fût qu’une chienne. Elle le demandait, le pleurait, l’appelait et toujours grattait la terre. Le loup s’approcha de la porte et, doucement, il s’assit. Je me régalais, je t’assure, à être témoin de pareille chose, quoiqu’à la fin je me dis : « Si elle parvient à sortir, noum dé pas Dìou ! il me la mangera ! » Mais je réfléchis bientôt que si depuis plusieurs nuits elle se taisait, c’était, la mâtine, pour le recevoir, et que pas plus cette nuit-ci que l’autre il ne la mangerait ! au contraire ! « Au contraire, que je me dis, ils doivent s’embrasser et s’égayer ensemble. Ça m’amuserait de les voir… » Et j’eus cet amusement. Par-dessous la porte, comme je le pus juger le lendemain, elle se creusa un trou par où, en s’aplatissant, elle parvint à sortir, attendu qu’au-dessus de son dos, dans la porte vermoulue, un gros morceau de bois se cassa, qu’elle avait mordu. Et donc elle alla vers le loup qui, se levant, fit un saut de côté, comme un chien qui joue.

« Et elle alla encore vers lui et il sauta encore, puis se décida à tourner autour d’elle avec encore les mêmes petits sauts, et leurs queues à tous les deux battaient d’un air de dire : « Quel bonheur de se revoir ! »

« Et longtemps ainsi, tout noirs sur la neige blanche, sous la lune claire, ils dansèrent ensemble de-ci de-là, à te ravir, mon homme, tant on comprenait leur plaisir… Puis, tout en un coup, ils s’arrêtèrent le nez sur le nez, puis me tournèrent le dos en même temps, et côte à côte s’en allèrent au galop ; et loin, loin, dans la plaine blanche de neige, entre les longues raies de