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L’ILLUSTRE MAURIN

son tromblon de son bras gauche sur son bras droit.

— C’est facile à comprendre : le public des courses de taureaux est un excellent public pour les marchands de boissons quelconques. Une foule excitée, cela boit, reboit et veut encore boire. Le spectacle irritant dessèche les gosiers.

— Je vois venir la lièvre ! dit Maurin soucieux. Elle est grosse !

— L’émotion emplit les bouches d’amertume, — poursuivit le sénateur ; il faut donc boire. Dans les villes de course, les marchands de liquides ont le plus grand intérêt à appeler jeux nationaux les courses à mort, afin de les rendre respectables ; et plus d’un député, qui préfère sa situation au vrai bien du peuple, dont il a cependant assumé la défense, se laisse aller à ne pas contrarier le marchand d’absinthe et de faux vermout de Turin, — lequel est ainsi, au bout du compte, roi de France !… Conclusion : c’est pour faire de la France un abattoir et du marchand d’alcool le vrai roi de la France que nos pères ont fait la Révolution de 89…

— F…ichtre ! dit Maurin en faisant passer son tromblon de son bras droit sur son bras gauche.

— Voilà pourquoi, monsieur l’instituteur, vos prédications sur la bonté et la générosité envers les bêtes resteront stériles… Que voulez-vous que j’y fasse ? je suis vieux et découragé.

— Dites cela à la tribune.

— Je suis sénateur. L’initiative appartient aux députés.

— Faites-le dire par les journaux.

— La plupart refuseraient… Le marchand d’alcool est