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L’ILLUSTRE MAURIN

— C’est plus encore qu’il n’y a de musiciens à Bourtoulaïgue ! déclara Maurin.

— C’est terrible ! fit l’instituteur.

— Tous les débitants d’alcool, en France, sont des électeurs redoutables, car ils ont une influence reconnue sur leur clientèle. Me suivez-vous bien ?

— Trop bien, monsieur le sénateur.

— Qui diable pourrait deviner pareille chose ! dit le candide Maurin.

— Donc, le député, s’il veut être renommé à la fin de la législature, ménage les marchands d’alcool. Ménager les marchands d’alcool, c’est ne pas nuire à leur commerce. Ne pas nuire à leur commerce, c’est leur permettre d’empoisonner le peuple avec leurs boissons frelatées. Donc, pour rester député, on laisse empoisonner le peuple par l’intermédiaire du marchand d’alcool. Est-ce clair ?

— Noum dé pas Diou ! fit Maurin, je comprends l’affaire ! Tous ces alcools sont des poisons !… Et dire que, pendant qu’on en fabrique avec des grains, avec du bois, avec toutes sortes de cochonneries, notre bon vin naturel ne peut pas se vendre ! Et comme ça, monsieur le sénateur, nos députés protègent les fraudeurs ? Si M. de Siblas m’avait dit ça, je n’aurais pas voulu me le croire, et je me serais peut-être fâché, — parce qu’il est, comme de juste, un ennemi de la République — mais vous, vous êtes un de ses meilleurs défenseurs. Si donc vous dites ça, c’est pour un bien. Mais voyons un peu… les marchands d’alcool et les courses de taureaux, ça fait pourtant deux ?

— Ça ne fait qu’un !

— Comment ? s’exclama Pastouré qui fit passer