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L’ILLUSTRE MAURIN

Une foule immense et bariolée grouillait sur le champ de course, sous les hauts et larges pins parasols, lorsque Maurin y arriva avec son compère.

La tentative n’intéressait pas les seuls entrepreneurs, mais aussi les marchands de boissons variées qui, poussant devant eux leurs marchandises établies sur de petites charrettes, suivent les taureaux en déplacement et les soldats en manœuvres.

Elle n’intéressait pas seulement, avec les entrepreneurs, ces pauvres « buvetiers et cantiniers », mais une foule d’élégants jeunes hommes au menton haut sur cravate, gantés trop juste, lorgnon à l’œil et stick en main.

Sous le nom bien français d’afficionados, ces jeunes gens avaient trouvé nécessaire de déclarer Jeux nationaux de Provence les corridas de muerte qui sont essentiellement espagnoles et jamais, au grand jamais, ne furent provençales.

Le grand, le terrible reproche qu’on peut faire à la corrida de muerte, c’est qu’elle excite, sous le nom d’enthousiasme tauromachique, le plus vilain sentiment du monde, celui de la cruauté qui se satisfait sans péril.

En effet, toute la joie du spectateur des courses de taureaux consiste à jouir, sans danger, des dangers que courent un ou plusieurs hommes, et des souffrances d’une bête vingt fois blessée avant de mourir.

Joie abominable, celle de sentir qu’on est à l’abri de la souffrance qu’on a causée moyennant quinze ou trente sous, cent sous ou vingt cinq francs.

Il est impossible de rêver, pour un peuple civilisé, un spectacle qui le soit moins.

C’est ce qu’était en train de dire, sous un parasol et