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L’ILLUSTRE MAURIN

deux ophicléides. Ce fut le signal d’une mêlée générale.

Les deux armées musicales, lancées l’une contre l’autre, levèrent ensemble, avec des bras furieux, leurs instruments, massues légères et pourtant redoutables.

À toutes les fenêtres du quai, les femmes désespérées tendirent des mains suppliantes vers le ciel vainement imploré !…

Alors, du fond de la place, les gendarmes accoururent au petit trot !

— Sauve-toi, Maurin ! cria le dragon Pastouré.

— Pas encore ! dit le mousquetaire Maurin. Et il déchargea un tromblon ironique… rrran !

Ce bruit rappela à eux-mêmes les bravadeurs qui, depuis un instant, étaient restés immobiles, muets d’étonnement et de curiosité :

Trente tromblons à la fois partirent seuls… rrrrran !

— Nous engageons le clergé à se retirer, dit un gendarme au curé. L’affaire devient vilaine.

En hâte, pour éviter le spectacle d’une bataille qui s’annonçait cruelle, digne des temps néroniens, le clergé se sauva en retroussant sa soutane, tandis que les porteurs du saint, héroïques dans leur robe pourpre, le posaient à terre et formaient autour le bataillon carré.

Maurin et Pastouré étaient encore séparés des gendarmes par les deux fanfares, c’est à-dire par une inextricable mêlée de deux cent quarante guerroyeurs !

— Arrêtez, fanfares ! vous manquez à tous vos devoirs, à toutes vos promesses ! cria d’une voix retentissante et vaine, au milieu du tumulte, le capitaine de ville qui élevait, au bout de son bras chargé de broderies étincelantes, sa pique naguère obéie…