Page:Aicard - L’Illustre Maurin, 1908.djvu/270

Cette page a été validée par deux contributeurs.
252
L’ILLUSTRE MAURIN

En revanche la plupart des bravadeurs à pied, en bottes, vêtus de nos jours à peu près comme des grognards de Napoléon Ier, l’image du grand Saint Tropez peinte sur leur shako, — n’ont pas moins chacun de deux tromblons ! Dès qu’ils en ont déchargé un, leur écuyer leur en présente un autre et recharge aussitôt le premier.

Porter un tromblon à cheval, c’était une fantaisie, une audace de Maurin, la bravade dans la Bravade.

Maurin avait deux écuyers et trois tromblons… et rrrrrran !

Or chacune des deux fanfares adversaires se considérait comme incarnée tout entière dans son chef.

Hélas ! il était à prévoir que les deux chefs finiraient par se prendre de querelle ! Et ce fut là, en plein quai, dans une ville étrangère et amie, en présence du bailli de Suffren et du grand saint Tropez !

À travers les assourdissants tonnerres des tromblons, ils échangèrent les plus graves injures, on n’a jamais bien su lesquelles. Tels les chefs homériques, ils se bravaient d’une voix stridente, qu’on entendait grincer entre deux pétarades. L’odeur de la poudre aidant, ils s’avancèrent enfin l’un vers l’autre, leur noble bâton de chef d’orchestre levé et menaçant !

Aussitôt, d’un irrépressible mouvement, les deux fanfares, poussées par un destin inéluctable, se jetèrent l’une contre l’autre, en désordre, chacun choisissant, dans les rangs des rivaux, son pire ennemi. Les apostrophes malignes se croisèrent dans l’air. Vainement le capitaine de ville fit un signe à ses mousquetaires qui opérèrent un mouvement pour séparer les deux troupes. Trop tard ! ils n’empêchèrent pas le choc de