Page:Aicard - L’Illustre Maurin, 1908.djvu/267

Cette page a été validée par deux contributeurs.
249
L’ILLUSTRE MAURIN

nable aux tortures de la faim qu’avaient dû subir leurs rivaux.

Le membre le plus vaillant de la Symphonie, étant célibataire, avait jeûné deux jours. Il reprocha aux autres leur faiblesse. Ils se fâchèrent. Il donna sa démission… et se fit aussitôt recevoir membre de l’Harmonie.

Le ministre de l’Intérieur fut prévenu, la commune fut surveillée. Cet état de choses ne pouvait durer. Pour le 14 juillet, le préfet exigea que les deux musiques ennemies jouassent ensemble l’aubade traditionnelle à M. le maire. Les deux fanfares se récrièrent. Mais on les menaça de la dissolution. Alors, elles se soumirent, — mais comme on n’avait pas pris soin de désigner le morceau de musique qui devait être exécuté sous les fenêtres du maire, il se trouva qu’elles attaquèrent simultanément l’une la Marseillaise, et l’autre la Bourtoulaïguoise, chant de guerre composé par le chef de la Symphonie.

— Il faut fondre les deux fanfares en une seule, opina le receveur buraliste, et les appeler : Le Triomphe de la Cacophonie.

Le maire se sentait devenir fou. On ne se mariait plus à Bourtoulaïgue qu’entre partisans de la même fanfare. Or, affirmait le maire qui était médecin, le croisement est le seul salut des races dégénérées.

Les choses en étaient là quand arriva la fête de Saint-Tropez. Mais le capitaine de ville avait un beau-frère dans l’Harmonie de Bourtoulaïgue et un autre beau-frère dans la Symphonie.

Il fit dire en conséquence aux deux musiques qu’il comptait sur leur dévouement commun et leur égal respect pour saint Tropez déjà martyr ; qu’elles devaient