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L’ILLUSTRE MAURIN

vade. Tous deux trouvèrent place à la fenêtre d’un premier étage, sur le quai, chez un ami d’Orsini.

La procession était en marche…

Parlo-Soulet, dragon à cheval, errait autour des corps de bravade, en véritable éclaireur, prêt à crier à Maurin : « Prends garde, voici l’ennemi ! »

Il avait parlé de ses craintes au capitaine de ville qui répliqua :

— Les gendarmes n’oseront jamais faire un pareil scandale. S’ils touchaient un bravadeur sous les armes, la ville entière se soulèverait et il y aurait un malheur. Ils n’oseront pas, croyez-vous-le, à moins d’un incident qui les autorise à intervenir, mais il n’y aura pas d’incident…

La bravade avançait, lente, saluant de temps à autre le saint porté sur un brancard, puis honorant d’une salve les notables à leurs balcons ou ceux qui, rencontrés dans la rue, se voyaient enveloppés tout à coup et subissaient le terrible honneur.

Étrange statue, celle du saint que portaient ses fervents !

Saint Tropez, décapité, est couché dans une barque comme dans un cercueil. À son côté repose sa tête. Un chien assis semble garder sa dépouille, et, perché sur le bordage du bateau, un coq veille…

Chaque fois que les gardes-saint honoraient l’image sacrée d’une salve bien nourrie, les tambours roulaient, les musiques sonnaient.

Deux fanfares, avaient, cette année-là, obtenu la permission de jouer leurs plus beaux morceaux à tour de rôle, à la suite de la bravade, et seulement, bien entendu, quand le capitaine de ville en donnait l’ordre.