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L’ILLUSTRE MAURIN

tr’ouvrir ! Les gueules de toutes ces armes obliques frappent le sol de leur souffle d’enfer, et les cailloux soulevés volent, blessant au visage celui en l’honneur de qui est tirée la salve ! Faute d’emplir leurs oreilles d’énormes tampons de ouate, on a vu des bravadeurs subitement devenir sourds, à jamais… Rrrrran !… Le Vésuve aux jours de fureur détone moins formidablement. Il n’est pas d’années où une jupe de femme ne prenne feu, le 15 juin, à Saint-Tropez, et ne nécessite l’intervention des pompiers.

Qui voudrait se dérober aux honneurs des corps des bravade serait considéré, avec raison, comme malappris, et d’ailleurs s’y dérober ne lui serait pas possible. Les mousquetaires entourent le citoyen qu’il s’agit d’honorer ; il est captif d’un cercle de fer et de feu… et rrrrran ! les éclairs et les tonnerres le saluent à ses risques et périls.

Parfois un bravadeur se détache de son groupe, pénètre dans le corridor d’une maison amie et, là… rrrran !… le tromblon gronde et crache !… Les vitres des cages d’escalier s’écroulent à grand fracas, à moins que les habitants aient pris la précaution d’ouvrir d’avance portes et fenêtres.

Et durant des heures, ces grondements, ces tremblements, ces roulements, ces tintamarres, ces pétarades, ces écroulements inouïs, incroyables, invraisemblables, font sursauter les nerfs, bondir le sang, tressaillir les entrailles et les cœurs, et de minute en minute la ville entière se saoule davantage de l’odeur irritante de la poudre, du retour rythmique des décharges, de la vision ou du souvenir des ancêtres, de leurs croisades, de leurs combats contre l’Espagnol et le Turc, contre le