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L’ILLUSTRE MAURIN

En vain le menuisier tâcha de lui faire comprendre quelles formalités il avait à remplir.

Parlo-Soulet, têtu, dix fois, vingt fois, répéta :

— Mon frère est à moi. C’est mon frère. Il ne regarde personne. Seul il a vécu, seul il meurt. Sa mort ne regarde que la nature ! Et je l’enterrerai à moi tout seul, comme je lui ai promis. Qu’on me montre l’endroit, et je ferai le trou, selon son commandement, avec Pico-fouart, que j’ai là près de lui, sous la limousine. Zou ! fais ton travail, que je puisse faire le mien !

Apprenant de quoi il était question, les gens s’attroupaient :

— C’est ton frère qui est mort ?

— Oui.

— Il est là ? véritablement ?

— Il est là.

Le menuisier fit prévenir le maire qui accourut en personne, et qui, renonçant à faire entendre raison à Pastouré, prit le parti de remplir d’office les formalités nécessaires, sur-le-champ. Le médecin arriva, écrivit chez le menuisier un bulletin de décès.

Pastouré, assis sur son brancard, fumant sa pipe, haussa les épaules et lui dit :

— De médecin, vous êtes le premier qu’il voit. Il n’en a jamais vu et il est mort quand même !

Il fumait en silence, entouré des badauds qui lui montraient tout le respect compatible avec l’indiscrétion, et lui, très calme, sur le bruit du marteau qui clouait la caisse, machinalement rythmait les jets de fumée qui, sortant de ses lèvres, jouaient dans le soleil.

Parfois il reprenait sa branche verte et chassait encore les mouches bourdonnantes :