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L’ILLUSTRE MAURIN

Il disait à son lit :

— Consolation, préni-mi (prends-moi). Tous les soirs tu nous prends pour rire, puis un jour vient que tu nous prends pour de bon ! Alors, les autres pleurent, mais tu les consoles, puis, à leur tour.

À sa charrue, il disait :

— Tire-droit ! Quand tu ne tireras plus droit, ce ne sera pas de ta faute ; c’est que ton maître, de la main et des jambes, pechère ! sera tortu et lui-même tremblera !

Il disait à sa bêche :

— Pico-fouart, frappe fort, que la terre est dure. Fais-moi des trous qui me font vivre, que tu me feras, puis, celui où je tomberai mort.

Tous ces discours avaient été la grande école de Parlo-Soulet.

Un jour, le matelassier François l’avertit que Victorin se sentait malade et l’appelait aux Cabanes-Vieilles. Parlo-Soulet pria le matelassier de prévenir Maurin et d’informer de la mauvaise nouvelle son propre fils, à Roquebrune. Si Victorin l’appelait, c’était grave. Pour sûr, c’était la fin ! Parlo-Soulet ne se trompait pas. Un chaud et froid, une « pérémonie », et Victorin se mourait en effet.

Dès que son frère arriva, Victorin voulut s’habiller.

Parlo-Soulet eut beau protester, rien n’y fit. Le rude Victorin se leva, mit sa plus vieille veste et retomba éreinté sur Consolation.

Alors, il dit :

— Puisque c’est ici la mode d’habiller les morts, j’ai voulu m’aider, que, tout seul, tu aurais eu trop de peine.