Page:Aicard - L’Illustre Maurin, 1908.djvu/213

Cette page a été validée par deux contributeurs.
195
L’ILLUSTRE MAURIN

moi qui vous le dis, y compris les chèvres et le chien du berger ! vous verrez cela… Viens ici, berger !

Mais le berger, qui de là-haut écoutait, cria :

— Je te remercie du cadeau, Maurin ! mais à pareille affaire, si je me plains pour mes deux chèvres perdues et mon chien gâté, je ne les ressusciterai pas ! et on me fera encore mille misères en justice. Je m’en tiens au malheur que j’ai. Fais ton chemin, crois-moi ! et laisse en paix les gardes et les juges !

Il disparut dans la colline, en gémissant.

— Celui-là comprend, dit Maurin, que j’en serai encore pour quarante sous de ma poche.

— Celui-là a compris, rectifia le garde, que j’ai reçu des ordres, des ordres, entends-tu ?

— Des ordres comme ça, cria Maurin irrité, un homme intelligent ne les accepte pas ! À ta place, moi, je jetterais ma casquette de domestique à la figure du maire, de l’imbécile ou du coquin qui me les donnerait !… Et si cet animal fou, que vous auriez pu tuer cent fois, eût mordu femme ou fille, enfant revenant de l’école, et vieux ou jeune, — ou même moi, Maurin, — serait-ce lui, pauvre chien fou, qui serait le coupable ? ou bien vous autres, gens raisonnables, qui seriez les homicides ? Et dire qu’il y a en France un savant dont on apprend le nom dans les écoles et qui a passé sa vie à étudier pour guérir les hommes mordus par les bêtes enragées ! Je ne sais guère que son surnom. On l’a surnommé le « Grand Berger » ou le « Grand Pasteur » pour faire entendre au monde qu’il voulait malgré eux mener les hommes, — plus bêtes que les troupeaux de moutons, — dans un bon chemin ! Et c’est pour vous qu’il travaillait, ce brave savant, cet innocent, pechère ! pour des