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L’ILLUSTRE MAURIN

pertes sèches, on pousse la mauvaise bête sur le territoire de la commune voisine. J’en ai reçu l’ordre aujourd’hui et ces messiés m’ont accompagné, parce que plusieurs fusils valent mieux qu’un, en cas que la bête se retourne.

Maurin, confondu, n’en croyait pas ses oreilles. Toujours assis sur sa borne il répondit :

— Je ne te crois pas, tu galèges ! et ce n’est pas ici matière à rire ! non, je ne te crois pas ! Ou tu te fiches de moi, ou ton maire serait une manière de brute sauvage plus dangereuse cent fois que n’était cette bête malade — car cette bête malade était seule et unique à faire le mal par ici, tandis qu’à son service, pour faire le mal, ton maire aurait tous les chiens enragés qui passent. Mais tu veux rire de moi, hé, compère ?

— Comment ! fit sérieusement l’un des chasseurs, vous ne saviez pas ça, Maurin ?… C’est bien l’usage, comme on vous l’explique. Et j’ai toujours vu faire la chose de cette manière, en toute ma vie !

— De vrai ?

— Et tellement vrai que nous allons traîner ce chien sur le territoire de l’autre commune, qui commence tout près d’ici, répliqua le garde. L’enlèvera qui voudra. Les aigles pourront le manger, s’il est de leur goût, — et les administrés n’en paieront pas la sauce !

— Voilà, dit Maurin, une belle besogne, d’empoisonner jusqu’aux aigles avec de la pourriture humaine ! car cette charogne, à présent, il ne dépend que des hommes d’empêcher qu’elle soit nuisible aux fouines, aux martres et aux renards. Je l’ai tué sur votre territoire, j’en fais ici ma déclaration au garde, je la ferai tout à l’heure à la mairie et vous en paierez l’aventure, c’est