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L’ILLUSTRE MAURIN

— Voyons, voyons, mon ami, lui dit affectueusement le capitaine, vous n’avez pas de raison pour vous attrister ainsi ?… c’est merveilleux…

— Sian touti d’amis ! dit Pastouré avec un sérieux parfait.

Mais Marlusse se jeta dans les bras du capitaine et, la tête contre son épaule :

— Jamais, monsieur, jamais je ne me saoule, parce que dans ce pays-ci ce n’est pas la mode, mais j’ai compris à votre assent que vous êtes Bourguignon et que vous ne me mépriseriez pas en me voyant empégué comme un de vos compatriotes… Ah ! quel malheur, monsieur ! quel malheur !…

— Un malheur ? dit le capitaine, plus ivre qu’il n’eût voulu… c’est merveilleux… contez-moi ça, je vous consolerai. C’est merveilleux…

— Ah ! monsieur le capitaine, dit Marlusse, je pleure, parce qu’avant dix ans, personne en France ne saura plus tirer le fouett. C’est une science qu’elle se perd ! Les totos mobiles l’ont tuée !

Et il sanglota amèrement.

— Monsieur, lui dit le capitaine, je vous dois un déjeuner. C’est merveilleux…

— Il n’y a que les montagnes qui ne se retrouvent plus, après avoir trinqué ensemble, dit Marlusse qui se souciait comme d’une nèfle de l’accord des métaphores.

Quand les deux groupes se furent quittés :

— C’est égal, dit Maurin à Marlusse subitement dégrisé, tu étais bougrement saoul tout à l’heure.

— Hélas ! dit Marlusse avec un grand calme, c’est ma destinée, pauvre moi, d’être toujours pris pour un autre. Toutes les fois que je le fais, on croit que je le suis.