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L’ILLUSTRE MAURIN

dellos, — et je lui traduis, comme Mascurel : — trente-six chandelles, tout à l’heure, je vous fais voir moi ! »

« Il m’aregarde encore, il faut croire qu’il me trouve zoli, que, comme tu vois, z’ai mis pour venir au congrès mes plus belles frusques… Il regarde ma çaine d’or qui est sur mon ventre, bien portée en avant avecque la midaille de la république… Et me prenant pour un monsieur dans son zenre, il me dit, en me tirant un peu à part du monde :

« — Voilà ma carte ! Demain, vous recevrez mes témoins.

« — Monsieur, que ze lui réponds comme ça, en fait de carte, ze n’ai sur moi qu’un bout de la corde avec laquelle mon père a été ençaîné en 51… Et d’adresse, ze n’en ai point dans cette ville ! »

« Te comprends, ze ne voulais pas lui dire que z’allais passer la nuit sur le foin, dans la manzoire du ceval de mon ami Tintidret, qui me l’a prêté ce matin, son ceval, avecque son çar, pour aller au duel !

« — Vous n’avez point d’adresse, lace ? (lâche) mais vous m’éçapperez pas ainsi ! »

« Alors il me monte au nez comme une odeur de moutarde et ze lui dis comme ça, ze lui dis, dis :

« — Mossieu, pas besoin de tant d’histoires. Vous voulez vous battre avec moi ? J’accète. Demain matin à huit heures et demie battantes, ze serai avecque mes armes et mes témoins dans le pré de Martin-l’aï, que tout le monde vous l’indiquera, à trois kilomètres du villaze. Ayez comme moi vos témoins et vos armes, et soyez éza, — que la politesse du peuple, c’est l’ézatitude ! Et dormez bien pour être fré.