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L’ILLUSTRE MAURIN

son insulteur, en maintenant avec soin, de sa main droite, la paille sur son épaule gauche ; puis, quand il se fut campé devant son ennemi, il retira sa main et se croisant les bras, il dit tout à coup avec un grand calme, sur le ton de la pitié qui désarme :

— Pauvre de toi… Tu as des enfants, pechère !… alors je t’épargne !

Il haussa les épaules, la paille tomba à terre, et tournant le dos au champ de bataille, il s’éloigna avec dignité.

L’autre lui courut après :

— Ô Chois ! lui dit-il, je ne t’en veux pas. Qu’est-ce que tu paies ?

— Ô Mariu ! répliqua l’autre, je t’en paie une, tu m’en paies une ; et comme ça nous se paierons rien !

Ils s’en allèrent bras de sus bras dessous, amis comme devant, — car cette comédie, parfaitement imitée des scènes que se jouent fréquemment les portefaix et les nervi, avait été convenue à l’avance.

Et Marlusse dit à Labarterie :

— Vous n’avez encore pas compris, que ? vous les avez pris pour deux ridicules, pas vrai ? Eh bé, c’est les deux grenouilles de tout à l’heure. Ils ont fait semblant de se disputer pour occuper un moment les gendarmes et donner à Maurin le temps de se mettre dans quelque cachette. Je les connais : c’est deux amis qui se tiennent comme les doigts de la main… Et vous avez pu voir, pas vrai, qu’ils font la grenouille comme des anges !…