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L’ILLUSTRE MAURIN

ramassa une paille sur le chemin, la rompit, se la mit sur l’épaule gauche et hurla :

— Té ! il faut en finir. Lève-moi seulement la paille !… Si tu me la lèves, la paille, je te paie un merle blanc !

Son ennemi n’hésita pas : il fit trois pas en arrière, regarda à terre tout autour de lui, se baissa, ramassa une paille, la rompit, se la mit sur l’épaule gauche et hurla :

— Lève-la-moi, toi, la paille !… si tu me la lèves, je te paie une merlate verte !

Marlusse, amusé, dit à Labarterie :

— Regardez-les bien. Je vous dirai tout à l’heure pourquoi ils se chamaillent comme ça.

Les lutteurs, à distance, continuaient à se mesurer du regard et ils crièrent ensemble :

— Mendiant ! fainéant ! bougre de pas-de-chose ! ô, je l’ai dit ! tu vois, que je l’ai dit.

Alors, le plus grand, les yeux hors de la tête :

— Oh ! couquin dé padisqui ! oh ! marrias dé sort ! Vé… si j’y vais, je l’estripe, je le pile… je me le mange !

Et se tournant vers les gendarmes :

— Vé ! je ne réponds plus de moi !… Vous ne le voyez pas, que je ne réponds plus de moi ?… Tenez-moi vite ! Tenez-moi bien, qu’autrement je le supprime !

Les gendarmes saisirent le forcené. Il y eut entre eux et lui un interminable débat.

Pendant ce temps son adversaire lui criait à tue-tête :

— Tu me la lèves, la paille ? ou tu me la lèves pas, lâche !

Le lâche se débarrassa des gendarmes et courut à