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L’ILLUSTRE MAURIN

En Provence, on dit d’un homme près de la mort qu’il est beaucoup fatigué.

— Viens ici ! mon beau petit Moustapha !

Moustapha ! mot de gentillesse des Maures provençaux à l’adresse de leurs enfants !

— Remonte-toi ta taïole (longue et large ceinture) que ton ventre va te tomber !

— Je le connais beaucoup… Quand je dis que je le connais, je ne l’ai jamais vu !… Et d’ailleurs il est mort !

— Quand j’ai entendu crier au secours, je me suis vite caché, n. d. D. !

— Le sanglier était blessé à mort et Pons l’aîné m’a dit que le sang lui sortait rouge et raide comme un porte-plume d’un sou !

— Tu me croiras si tu veux, mais ils sont là, dans cette ville, douze gros réactionnaires qui ont fondé un journal socialiste parce qu’il leur rapporte du quinze pour cent !… Alors ? ils ne la craignent pas toujours, la sociale !

— Figùro-ti qu’aquèou couyoun dé Parisien… il met du fumier dans son parc au pied des pins parasols !… c’est comme de donner de la confiture à des cochons !… que couyoun !

Ce dernier mot était celui qui dominait tous les autres parce qu’il était le plus souvent et le plus énergiquement prononcé. Ce mot, c’est à vrai dire le fond de la langue d’amour (du provençal) comme goddam est le fond de la langue de Shakespeare.

Tout à coup, on vit deux jeunes hommes, aux bras et aux mains solides (un charpentier et un forgeron), se prendre de querelle violente. Les éclats de leurs voix firent bientôt taire toutes les conversations :