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L’ILLUSTRE MAURIN

L’art du comédien ne va pas plus loin, ni celui du musicien.

Alors, l’âme artiste de tous ces Provençaux oublia toutes les dissensions, toutes les luttes politiques dans un élan d’admiration vers la nature et l’art confondus ; le congrès poussa un seul éclat de rire énorme, tels ceux de l’Olympe. On ralluma les lampes : Maurin n’était plus dans la salle. Et tout le monde commença à se retirer avec lenteur, en s’entretenant, non pas de politique ni des candidats Vérignon ou Poisse, mais du talent qu’avaient montré de modestes inconnus en imitant le dialogue des grenouilles au naturel.

Et Marlusse, dans un coin de la salle s’attardait pour dire à M. Labarterie, sous le nez des gendarmes captifs de la cohue :

— Moi, il me semblait voir les luisants de la lune sur l’eau du marécage, entre les ajoncs… et, sur une plaque de mousse verte, les grosses grenouilles avecque leurs gros yeux à lunettes d’or !

Il ajouta, d’un air sincère et comme perdu dans une vision :

— Coquin de bon sort ! si j’avais eu un morceau de quelque chose de rouge, au bout d’une ficelle, je t’en aurais pêché au moinss une demi-douzaine !

— Ces gens-là sont idiots, murmura M. Labarterie à l’oreille de Caboufigue.

Mais Caboufigue était du pays, il protesta :

— Idiots ! pas moinss, dit-il, ils se f… de vous… comme de moi ! Croyez-vous-le !

Cependant le départ du nombreux public s’effectuait lentement. La porte, à tout instant, se trouvait obstruée et, sur le seuil, personne ne s’impatientait sincèrement.