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L’ILLUSTRE MAURIN

— Je dois obéir à mon père parce qu’il veut naturellement mon bien, et parce que je sais qu’ayant de l’expérience, il connaît mieux que moi ce qui est mon bien.

— Si on te disait tout-à-coup que tu as un grand frère, que dirais-tu, toi-même ?

— Oh ! dit Bernard, je serais bien content.

— Tu l’aimerais ?

— Oui.

— Même s’il était méchant ?

— Même s’il était méchant !

— Et s’il voulait devenir contrebandier ?

— Je l’en empêcherais bien !… dans son intérêt ! dit l’enfant d’un ton résolu.

— Eh bien, tu as un frère, que voici. Il veut être pêcheur au Lavandou, avec le patron Antiboul. Il viendra te voir quelquefois ici. Il veillera sur toi. Comme il est ton frère aîné, tu lui obéiras. Il remplacera ton père ; il ne veut que ton bien… Et toi, Césariot, dis-moi, veux-tu que ton petit frère que voilà soit contrebandier ou pêcheur ?

Depuis un moment le jeune homme au front bas courbait de plus en plus la tête ; son menton s’écrasait sur sa poitrine ; un inexprimable sentiment de malaise, de honte, de dépit, l’enveloppait ; il eût voulu se révolter, frapper quelqu’un, crier une injure ; mais toutes ses volontés mauvaises demeuraient en lui comme nouées, tordues sur elle-mêmes et douloureusement impuissantes. Il se sentait sous l’influence de quelque chose de nouveau pour lui, et de plus fort, de plus grand que tout ce qui était lui-même ; et ce quelque chose l’intimidait, l’effrayait ; il eût voulu s’y dérober, fuir… mais ses pieds étaient cloués au sol. Il