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L’ILLUSTRE MAURIN

CHAPITRE XV


Chrysalide dans un marais.


Ils avaient dîné. Assis sur un escabeau boiteux, frère de celui sur lequel trônait Lagarrigue, Maurin disait :

— Écoute, le métier que tu as choisi, je dois l’ignorer. Ce que je ferai dire au préfet, c’est qu’il ne faut pas mécontenter les boumians, pour ne pas attirer un mal heur qu’ils feraient à coup sûr. Ça, je comprends que je peux le dire, mais je n’en dirai pas davantage.

— Ça suffit bien, dit Lagarrigue. Tu ne t’avanceras que dans la vérité.

— Mais après ça, je te conseille de changer de métier, mon pauvre Lagarrigue, dès que tu pourras.

— Et me nommeras-tu préfet ? Que veux-tu que je fasse, Maurin, de ma vieille vie, de mes vieux os ?

— Si tu es infirme, il y a des hospices.

Lagarrigue se leva, et sur un ton de fierté inexprimable :

— Me prends-tu pour un mendiant ? coquin de bon sort ! il faut que tu sois toi, Maurin, pour que, celle-là, je te la pardonne. J’aimerais mieux pourrir dans les siagnes du marais comme un canard blessé, pechère ! et que le soleil et l’eau salée me rouiguent (rongent) les chairs jusqu’aux os, — comme ils ont fait à cette carcasse de héron que j’ai par là.