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L’ILLUSTRE MAURIN

bandiers de la haute font la contrebande de l’argent. Puisque Panama maintenant est en France, la Havane, collègue, peut bien être dans les Maures.

— Ces gros-là ont mal fini, songes-y.

— Je le sais bien. Caboufigue tremble, à cette heure.

— Tu pourrais mal finir.

— Et pourquoi, dit Lagarrigue avec un gros rire faux, ne finirais-je pas comme un bourgeois ?

— Mais enfin, comment t’y es-tu pris avec les cultivateurs ?

— Voici l’affaire, donc. Je ne les ai pas réunis, certes ! J’allais chez eux en secret. Après l’un l’autre. Mais par exemple j’y allais un peu mieux habillé qu’aujourd’hui, parce qu’aujourd’hui il faut que j’aie l’air plus pauvre. Et je leur disais : « Avant que la feuille soit mûre, et avant que l’inspecteur fasse sa tournée, je viendrai chez vous pour cueillir par ci par là une feuille verte, rarement deux, sur un certain nombre de vos plantes. Je me charge d’arranger la section de la tige de façon à ce que la feuille semble avoir disparu par l’effet d’une maladie. J’ai pour ça des manières à moi, que des boumians m’ont apprises. Mon secret est mien. Je ne vous le vends pas ; faites l’essai de mon adresse. J’emporte quelques feuilles ; je vais donner à quelques-unes de vos plantes l’air d’être malades. L’inspecteur bientôt passera. S’il ne dit rien, nous opérerons en grand l’année prochaine. Il faut savoir attendre. » Ce fut fait, mon ami. J’ai, chaque année, ainsi, une grosse récolte de tabac qui échappe à l’impôt et, pour cette raison, rend davantage au cultivateur, et moi, je lève ma vie. On sèche, on assemble en carottes, on coupe, on râpe,