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L’ILLUSTRE MAURIN

encore de prévenir un tel malheur. Comment ? En obtenant la tolérance de M. de Siblas. Lagarrigue avait entendu dire que Maurin, dans ses battues au sanglier, avait conduit le préfet. Il demandait à Maurin peu de chose ; quoi ? que Maurin prévînt ce préfet, que ce préfet conseillât, comme il fallait, M. de Siblas…

Et ainsi, Lagarrigue comptait traiter de puissance à puissance avec les autorités constituées.

— Parle-lui, au préfet, acheva-t-il en ricanant, toi qui es roi en république, le roi des Maures comme on t’appelle.

— Je parlerai, dit Maurin, mais que diable as-tu à faire de tes boumians ?

— Ça, dit Lagarrigue, c’est le commerce. Il me faut, des fois, des hommes sûrs, pour transporter mon tabac, le vendre…

— Je comprends, dit Maurin, mais tu as là un fichu métier !

— Il faut bien lever sa vie.

— Et comment as-tu du tabac ? Tu ne le voles pas, j’espère ?

— Pour qui me prends-tu ? je l’achète.

— À ces gens établis ? à ces gros fermiers ? à ces bourgeois qui paient l’impôt ?

— C’est parce qu’ils payent l’impôt qu’ils veulent le regagner. C’est pour être de plus gros bourgeois qu’ils m’estiment.

Et d’un air malin, Lagarrigue, qui avait navigué à l’État et connaissait sa mappemonde, montrait à Maurin un journal graisseux qui enveloppait un reste de vieux fromage de Hollande.

— Regarde. Les plus gros s’en mêlent. Les contre-