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L’ILLUSTRE MAURIN

connaissait les moindres reliefs du terrain, il pouvait sortir de sa hutte et gagner la terre ferme par tous les temps, en toutes saisons. Il avait en outre, dans des recoins de son choix, deux ou trois petites embarcations plates, hors d’usage pour tout autre, dans lesquelles néanmoins il passait l’Argens à sa guise. Avec les mêmes barques il explorait les marais où il cachait, au besoin, pour quelque temps, un outil compromettant, un paquet de feuilles de tabac, peut-être le fruit d’un larcin.

Malin, loin d’afficher le désir de n’être pas visité chez lui, il avait suspendu au-dessus de sa porte un « rama ». Un rama est une énorme boule de verdure qui se trouve parfois dans les pins des Maures, sorte de maladie, de loupe de l’arbre, ballon ligneux couvert de branchettes avortées et de feuilles rudimentaires.

Le rama suspendu au-dessus d’une porte signifie que là on trouvera, moyennant un juste prix, à boire et même à manger. Lagarrigue payait patente !

Mais personne n’accostait jamais l’échelle de Lagarrigue. Son rama n’était qu’un mensonge utile. Cela lui permettait d’appeler parfois un garde ou un douanier : « Venez boire un coup d’aïguarden. Vous n’avez donc pas vu mon rama ? » En appelant ainsi les passants dangereux, c’est-à-dire les représentants de la loi, Lagarrigue se flattait d’éviter le péril de leur curiosité. Et il jugeait bien.

— Oh ! Lagarrigue ! cria Maurin au bas de l’échelle.

La voix de Lagarrigue, de l’intérieur, répondit :

— Òou !

— Rappelle ton chien.

— Ici, Rognon ! — Qui es-tu, toi ?