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L’ILLUSTRE MAURIN

velle des rats de la terre. Et tout autour des habitations lacustres, de hauts piquets, émergeant de l’eau, supportent, suspendues à des cordages, des caisses de bois et des corbeilles qui baignent dans la mer et où vivent des huîtres, des praires, où pullulent des moules par grappes énormes.

La nuit, les plus hardis de ces pêcheurs s’aventurent parfois sous les navires de la rade et jusque dans l’arsenal pour y chercher le trésor défendu, les moules de l’État !

Lagarrigue, une nuit d’été, au moment où, tout nu, il nageait silencieusement autour d’un bac, dans l’arsenal, avait reçu d’un douanier un coup de sabre qui lui avait ouvert dans l’épaule une plaie terrible. Malgré l’horrible douleur que lui causaient et la blessure et la brûlure de l’eau salée, Lagarrigue avait plongé aussitôt pour ressortir de l’eau assez loin de là, à l’abri d’un tournant de quai ; et, perdant son sang à flots, invisible, héroïque, sans une plainte, sans un soupir, il avait regagné, hors de l’arsenal, son embarcation, qu’il avait confiée à son jeune fils.

À la suite de cette blessure, qui n’était pas la première qu’il eût reçue dans des circonstances à peu près semblables, Lagarrigue avait quitté Toulon et cherché une occupation qui fût dans ses moyens. C’est alors qu’il avait inventé sa manière frauduleuse d’exploiter la culture du tabac.

Il s’était donc placé dans le voisinage des cultivateurs de Fréjus et avait arrangé son habitation nouvelle un peu à l’image de celle dont il avait l’habitude. Bon calcul. Il avait fait des inondations malignes ses alliées ; on ne l’abordait pas comme on voulait ; et lui qui