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L’ILLUSTRE MAURIN

mer. Les angles de cette boîte disloquée n’étaient plus à l’équerre. Ses quatre roues, qui n’avaient plus tourné depuis longtemps, posaient sur de grosses pierres plates, et huit rochers les calaient. Un tuyau de cheminée, en fer noir, la coiffait de travers, jetant des fumées épaisses, qui provenaient de feux singuliers, alimentés de vieux détritus de toute nature, de déchets bizarres, de torchons et d’éponges.

La porte s’ouvrait au midi sur une vraie terrasse de bois, soutenue par de hauts pilotis.

Par les gros temps d’hiver, quand les grandes eaux de la mer et de la rivière, se mêlant, envahissaient toute cette partie de la plaine, la roulotte était une véritable habitation lacustre.

Du reste Lagarrigue avait été, dans les derniers temps de son oisiveté, un lacustre.

Où ? à Toulon. On voit encore, à Toulon, dans le port marchand, quartier de la Rode, tout un hameau établi sur l’eau. Hameau composé de sept à huit vieilles embarcations, dont trois ou quatre chalands de quinze mètres de longueur, achetés au rabais par de pauvres pêcheurs et sur lesquels ils ont construit des huttes de bois et de maçonnerie.

On trouve là des intérieurs meublés comme des maisons terrestres ; et rien de plus singulier que la vie de ces lacustres du xxe siècle.

Dans un recoin du bateau, un petit jardin potager de deux mètres carrés… quelques salades, un rosier, des chrysanthèmes.

Les chiens du bord, qui ne vont jamais à terre, jappent avec frénésie à l’embarcation qui passe ; les chats vivent là en véritables robinsons, sans aucune nou-