faut que je t’explique la chose comme François me l’a expliquée.
— Explique !
— Tu iras dans la plaine de Fréjus. Il y a là, au beau milieu, — tu dois la connaître, — une vieille voiture de boumians, avec ses roues qui ne roulent plus jamais. Là dedans demeure un ancien piégeur qui maintenant a l’air de faire des paniers d’osier et de cannes (de roseaux).
— Lagarrigue ?
— Justement… Va le voir. Dis-lui ce que tu veux.
— Il me connaît.
— Ça t’épargnera sa méfiance.
— Adieu, Saulnier, merci… Té ! tu vendras pour ton compte au conducteur de la diligence le vanneau pluvier que voilà.
— Merci, Maurin, tu es un bon homme.
— À se revoir, Saulnier. Si ta renarde devient grosse, soigne bien les petits.
Et le cantonnier se remit à la besogne, tandis que ses chers animaux familiers lui « tenaient compagnie ».
Quand Pastouré pensait aux bêtes de Saulnier, ce qui lui arrivait quelquefois :
— Si un renard, disait-il, protège des perdreaux malgré l’envie qu’il a de les manger, pourquoi les hommes ne se protègeraient-ils pas entre eux ? Et vous voulez que j’admire un Bismarque, un Napoléon, quand j’ai sous les yeux le renard de Saulnier ? Voilà un renard véritablement qui fait la leçon à beaucoup d’hommes qu’il y a ! croyez-le-vous !