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L’ILLUSTRE MAURIN

ils venaient autour de ma cabane prendre le grain de mes poules. Ze leur ai dit : « Petits ! petits ! » et ils sont revenus tous les jours, et ils ne veulent plus me quitter… par pure amitié ; mais ils sont libres plus que vous et moi puisque nous avons notre service qui nous gêne. Personne ne les tue, pourquoi ils sont toujours dans mes zambes. Voilà tout. Ze les ai donc pas pris à la çasse, ni nulle part, ni à personne. Et je ne crois pas que personne puisse me les prendre. Essayez pour voir, monsieur le brigadier. De deux çozes l’une : ou ils resteront sous mon renard qui les défendra, quand ça ne serait que pour les manzer lui-même, ou ils s’envoleront en vous fientant au nez, parlant par respect. Essayez pour voir… de les prendre.

Le brigadier regarda Sandri.

— Je connais cet homme et ses animaux depuis longtemps, dit Sandri. Nous avons toujours fermé les yeux sur son cas… C’est une tolérance que nous avons cru pouvoir nous permettre. D’ailleurs son explication paraît des plus naturelles et acceptables.

— Alors, tu soutiens que tes perdreaux sont demeurés libres en quelque sorte, tout en étant devenus familiers ; que par conséquent, tu ne les as pas pris à l’État ? Et tu dis qu’ils s’envoleraient, si on essayait de les toucher ? Réponds un peu, donc ?

Saulnier, surpris d’être tutoyé, répondit seulement :

— Nous n’avons pas gardé les coçons ensemble.

— Que dit cet homme ?

— Ze dis que si te me prends un de mes perdreaux avecque la main, te peux te le faire cuire pour ton dézeuner ou te le faire empailler, ze te l’offre.

— J’en aurai le cœur net, dit le brigadier.