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L’ILLUSTRE MAURIN

une prime pour la tête de mon renard, renard apprivoisé étant comme renard mort, puisqu’il ne porte plus dommage à personne et qu’il ne coûte qu’à moi sa nourriture.

— Ce renard, dit le brigadier, est devenu, à proprement parler, par la nature de son service, un chien véritable.

— Si vous parlez proprement, ze n’en sais rien, dit Saulnier, mais pour parler zustement c’est une autre affaire et vous seriez un malin, vous, si vous pouviez prouver que mon renard est un chien !

— Quant aux perdreaux, dit le brigadier, il faudra voir à les rendre à l’état sauvage !

— Jamais ils ne seront consentants, dit Saulnier. Ils m’aiment trop.

— Alors ils vous seront confisqués pour être envoyés dans les hospices où ils serviront à la nourriture comestible des malades… ou des infirmiers de l’État.

— Raide ! ben rèdé ! marmottait le malin Saulnier.

Et relevant la tête, il montra aux gendarmes son sourire inouï qui était partout dans les mille plis de son visage, sur ses tempes, sur son nez, sous ses yeux, autour de sa bouche, véritable soleil d’ironie :

— Ze vais vous dire, brigadier. Ça, voyez-vous, c’est des perdreaux de ma connaissance. Z’ai l’air de les avoir pris, mais ze les ai pas pris. Ils sont pas à moi.

— À qui donc ? fit le brigadier de plus en plus sévère.

— Ils sont à euss-mêmes, répliqua froidement Saulnier. Ils me connaissent pour leur père, voilà tout, ils viennent quand ze les appelle ; ils me mangent dans la main… Nous avons fait connaissance un zour, pourquoi